La Guéniza du Caire abritait une quantité époustouflante de manuscrits dont les Palimpsestes d' Aquila AqBurkitt et AqTaylor et le Palimpseste Taylor-Schechter 12.182
● La
Guéniza
Le mot Guéniza ou Genizah désigne une salle attenante à la synagogue destinée à recevoir les manuscrits de la Loi et les livres
saints devenus inutilisables par l’usure de l’âge ou la manipulation cultuelle. Tenus pour sacrés dès lors qu’ils contiennent le Nom divin, ils ne doivent être ni détruits ni mis au
rebut.
Des documents non religieux peuvent également être déposés dans la guéniza.
Cette salle peut se situer dans le grenier, le sous-sol ou derrière un mur.
Le radical "gnz", d’origine persane, à partir duquel le terme guéniza a été construit, se retrouve en hébreu, en araméen et dans d’autres langues sémitiques où il veut
dire " cacher ", " couvrir " et " enterrer ".
Certaines guénizoth (pluriel de guéniza) ont été de véritables trésors d’archives.
Il est intéressant de constater que le grand Respect manifesté envers le Nom du Tout-Puissant est à l’origine d’une importante richesse de documents historiques
dont nous disposons aujourd’hui.
● La guéniza du Caire
La guéniza du Caire (hébreu
: גניזת קהיר Guenizat
Qahir) est une pièce
de la Synagogue Ben Ezra, accessible uniquement par une trappe sous le toit, où les manuscrits se sont accumulés pendant près d’un millénaire,
du 9e au 19e siècle.
La synagogue ben Ezra du Caire (arabe : معبد بن عزرا).
Unique par son mélange d'architecture chrétienne, d'arabesques islamiques, et d'ornements juifs.
Célèbre pour sa Guenizah riche en documents d'importance historique considérable.
Wikipedia Commons
Plus de 200'000 manuscrits dont certains remontant au VIe siècle y ont été découverts: poèmes liturgiques, commentaires du Tanakh, grammaire hébraïque, traductions, documents administratifs, écrits privés (échanges commerciaux, litiges juridiques, testaments, lettres…), mais surtout fragments de livres bibliques.
Les textes anciens sont principalement rédigés en hébreu, en judéo-arabe et en arabe sur des supports variés (vélin*, papier, papyrus* et tissu). Quelques documents ont aussi été rédigés en
syriaque, an araméen, en grec, en latin, en français et autres langues européennes et même en chinois ! Pendant des siècles, la ville du Caire a en effet été un centre économique, politique
et culturel important du Moyen Orient.
« Un champ de bataille de livres !» a déclaré Solomon Shechter
L’importance de cette découverte, avec une avance de quelque soixante années, concurrence presque celle de
Qumrân.
L'importance de la gueniza du Caire a été reconnue pour la première fois par Jacob
Saphir, un voyageur et chercheur juif, qui en a donné une description
en 1864, mais
c'est surtout le travail de Solomon
Schechter dans la dernière décennie du XIXe siècle qui a attiré l'attention des érudits et
du public sur les trésors qu'elle contenait. Solomon Schechter était un rabbin, éducateur et académicien anglais, conférencier sur les études talmudiques et lecteur pour les études
rabbiniques à l’université de Cambridge.
Solomon Schechter studying documents from the Cairo Geniza - Wikipedia Commons
En 1896, des savants écossais et les sœurs jumelles Agnes S. Lewis et Margaret D. Gibson (biblistes, paléographes et exploratrices écossaises) achètent des fragments en hébreu à un marchand du Caire lors d’un de leurs voyages de chasse aux manuscrits au Moyen Orient. Quand ils arrivent à Cambridge, Schechter identifie l’un des fragments comme étant une page de la version hébraïque du Livre apocryphe de Ben Sira (le Livre de l’Ecclésiastique dans la Bible catholique). Il fait le lien avec la Guéniza de la synagogue Ben Ezra où il va découvrir une quantité époustouflante de manuscrits diversifiés et polyglottes.
En 1897, il obtient
l'autorisation de transférer près de 140'000 fragments à la bibliothèque de l'université de
Cambridge, indépendamment des fragments qui se trouvaient déjà dans des bibliothèques de Saint
Pétersbourg, Paris, Londres, Oxford et New York.
L’étude de ces archives, initiée avec Solomon Schechter, se poursuit avec Shlomo Dov
Goitein (1900-1985) qui y consacre sa vie. Il en tire un tableau descriptif du quotidien des
communautés juives. En 1967, il publie le résultat de son travail sous le titre : "A Mediterranean Society. The Jewish Communities of the Arab World as Portrayed in the Documentation of the Cairo Geniza", en six volumes.
● Un apport important de
connaissances
En plus des documents bibliques et talmudiques, la découverte de la Guéniza du Caire a permis de dresser un portrait culturel et économique détaillé de la vie au Moyen Orient et en
Méditerranée entre les 10e et 13e siècles. Aucune autre librairie au monde ne possède une telle variété de documents.
L’étude des précieux documents de la Guéniza a aussi permis de mieux appréhender la loi religieuse juive, le karaïsme, l'Egypte fatimide et la Palestine des Croisés, les relations entre juifs
et musulmans…
Par exemple, les juifs acquittaient un impôt spécial, portaient des vêtements distincts et ne construisaient pas de synagogues plus hautes que les mosquées.
Judith Olszowy-Schlanger, spécialiste des manuscrits hébreux et judéo-arabes médiévaux, professeure à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE-PSL), nous
décrit l’étendue de la précieuse découverte de la Guéniza du Caire
« Parmi les écrits du Xe au XIIIe siècle – qui constituent l’essentiel du fonds –, on compte des
dictionnaires, des traités de science, des grammaires, 15 000 actes de vente, de mariage ou de divorce, des courriers entre marchands méditerranéens, des commandes de livres à Cordoue. Des
lettres privées. Un père écrit au professeur de son fils : “Ne le frappez pas trop s’il est en retard, il a son cours d’arabe avant son cours d’hébreu.” Des cahiers d’écolier, des listes de
courses, des poèmes galants. Et 70 brouillons des ouvrages de Maïmonide, philosophe et médecin du sultan. Et les copies les plus anciennes connues des Talmud de -Jérusalem et de Babylonie. Et
des morceaux de la Bible polyglotte du IIIe siècle utilisée par saint Jérôme, portée ¬disparue. Entre autres trésors. » A une époque où presque tous les écrits
comportaient une bénédiction, des archives entières – rabbiniques, familiales, commerciales – ont été jetées là, pour le bonheur de générations de chercheurs.
"Grâce à eux, il est possible de se faire une idée de la vie quotidienne dans le monde méditerranéen
judéo-arabe, en particulier du Xe au XIIIe siècle, avec une qualité de détails que même les sources islamiques ne donnent pas".
"Grâce à la guenizah du Caire, la vie des femmes, quasiment invisible dans la littérature élevée de l'époque, peut être vue avec une grande clarté. Les femmes étaient nombreuses à avoir des
activités rémunérées et, dans de nombreux cas, elles pouvaient conserver leurs gains. L'industrie textile - broderie, filage, tissage, et teinture de la soie - était leur domaine principal,
mais elles se livraient aussi à la médecine (non en tant que médecins régulièrement formés mais comme praticiennes d'une médecine populaire, sages-femmes et épilatrices) ; elles étaient
astrologues, diseuses de bonne aventure, courtiers engagés dans la vente de produits fabriqués par d'autres femmes". Raymond P. Scheindlin, "Marchands et intellectuels, rabbins et poètes. La culture judéo-arabe à l'Âge d'or de l'islam",
Les Cultures des Juifs, dir. David Biale, éd. de l'Eclat, 2002, p. 301-367 (p. 312 et 313).
Lien
Ces documents ont maintenant été archivés dans plusieurs bibliothèques en Amérique et en Europe. La collection Taylor-Schechter de l'Université de Cambridge [archive] comprend 140'000
manuscrits ; 40'000 autres se trouvent au Jewish Theological Seminary of America. La Bibliothèque de la John Rylands University à Manchester contient elle aussi une collection de plus de
11'000 fragments, en cours de numérisation pour être téléchargés vers une archive en ligne.
● Un dépôt d’archives royales est cité
dans la Bible
Il est intéressant de noter que la Bible, dans le livre
de Daniel, parle aussi d’un lieu où l’on conservait les archives,
à Ecbatane, capitale mède
(Iran actuel).
En 538 avant J-C, le roi Cyrus
II ou Cyrus le
Perse, promulgue un décret autorisant les Juifs, alors en exil à Babylone, à repartir chez eux et à reconstruire le Temple de Jérusalem.
Arrivés à Jérusalem, ils commencent les travaux, mais rencontrent rapidement une opposition acharnée des populations locales. 17 ans plus tard, les travaux n’ont pas avancé.
Le gouverneur de la région demande au roi Darius Ier (522-486), de rechercher dans les archives l'édit de Cyrus qui les autorisait à rebâtir le
Temple de Jérusalem.
Esdras 5 :17 : «
Maintenant si tel est le bon plaisir du roi, qu’on recherche dans le dépôt des archives royales, là-bas, à Babylone, s’il est exact qu’un édit ait été rendu par le roi Cyrus, prescrivant de
rebâtir ce temple de Dieu à Jérusalem et que le roi nous communique sa volonté dans cette affaire! » - Bible du Rabbinat Français Zadoc Kahn
D’autres traductions parlent de « dépôt des trésors royaux à Babylone, archives royales de Babylone, écrits
anciens des rois de Babylone, maison des trésors du roi… »
Le roi demande alors qu’on retrouve l’édit de Cyrus ordonnant la reconstruction du Temple de Jérusalem.
Esdras 6 :1: « Alors le roi Darius donna
l’ordre de faire des recherches dans le dépôt des livres où l’on mettait les archives, là-bas, en Babylonie » - Bible du Rabbinat Français
D’autres traductions parlent de « bâtiment des archives, bibliothèque, les salles où les écrits
anciens et les objets précieux sont conservés, la maison des archives des trésors, locaux où l'on déposait les archives et les objets précieux, maison des archives… »
On constate, ici, que les documents signés avaient beaucoup de valeur et qu’ils étaient conservés avec les trésors du roi.
En effet, chez les Mèdes et les Perses, tout édit promulgué était
irrévocable. Dès lors qu’un sceau était apposé sur un document, il était impossible de l’annuler. Il en
allait de l’honneur même des Mèdes et des Perses.
De ce fait, il était important de garder trace de tous les écrits dont l’autorité n’était jamais remise en question. (voir l’histoire l’Esther et le génocide prévu des Juifs par les Perses).
Lien - Esther, épouse juive du roi Xerxès 1er ou Assuérus, sauve son peuple du génocide
Finalement, le rouleau de Cyrus est retrouvé à Ecbatane :
Esdras 6 : 2, 3 : « Et l'on trouva, à Ecbatane, dans la capitale de la province de Médie, un rouleau qui contenait ce
mémoire: La première année du roi Cyrus, le roi Cyrus fit cet édit, quant à la maison de Dieu, à Jérusalem: Que cette maison soit rebâtie pour être un lieu où l'on offre des sacrifices, et
que ses fondements soient restaurés; sa hauteur sera de soixante coudées, et sa longueur de soixante coudées,» - King James
Les travaux de reconstruction du Temple de Jérusalem reprennent pour se terminer la 6ème année du roi Darius 1er, en février 516 av J-C, c'est
à dire 70 ans après la destruction de Jérusalem par les armées babyloniennes de
Nébucadnetsar, fin juillet 587 av J-C - accomplissant ainsi la prophétie des 70 années de colère divine sur Jérusalem.
Lien -
L'accomplissement de la prophétie des 70 ans sur le Temple de Jérusalem
FBI
● La Guéniza du Caire et la Bible
A la fin du XIXe siècle, ce qui intéresse surtout des lettrés comme Solomon Schechter, ce sont les sources antiques de la Bible.
Bible – reference (Or.1080 2.42) – Deuteronomy 20:1-23:3
Cairo Genizah
Cambridge University Library
Lien - CUDL (Cambridge University Digital Library)
L’étude des documents bibliques anciens n'ont montré que de rares variantes, et sont surtout remarquables pour leur vocalisation : en effet, ils indiquent qu'au fil du temps les textes ont
été de plus en plus vocalisés selon le système de Tibériade. P. D. Wegner, Textual Criticism of the Bible, InterVarsity Press, 2006, p. 156
Ainsi, les manuscrits bibliques de la Guéniza du Caire apportent, eux aussi, la preuve que le texte biblique dont nous disposons aujourd’hui est fiable.
Pour observer les manuscrits bibliques de la guéniza du Caire en ligne – Lien - Manuscrits bibliques
CUDL
● La traduction d’Aquila en grec
contient le Tétragramme du Nom de Dieu
Aquila de Sinope est un prosélyte juif nazôréen du IIe
siècle (chrétien qui suit également la Loi juive), membre de la famille de l’empereur Hadrien, qui
a appris l’hébreu puis traduit la Bible hébraïque en grec (après 140 de n.e).
Sa traduction, très proche du texte hébreu, était préférée à celle des Septante auprès des
Juifs.
Origène l’intègrera dans les Hexaples (une Bible en 6 colonnes
constituée au total de 6 versions des Écritures hébraïques, 5 versions rédigées en grec et 1 version rédigée en hébreu). Lien - Hexaples
Seuls quelques débris de la traduction d’Aquila, provenant des Hexaples étaient connus jusqu'en 1897.
Avec la découverte de la guéniza du Caire, deux Palimpsestes* de la traduction d’Aquila ont été retrouvés: AqBurkitt contenant un passage des Rois et AqTaylor contenant un passage des Psaumes.
Ces fragments importants du livre des Rois et des Psaumes — plus de 40
versets en tout — ont été apportés en Angleterre et ont alors été
édités, après avoir été identifiés.
►Le
Palimpseste AqTaylor
Un Palimpseste (du grec ancien παλίμψηστος / palímpsêstos, « gratté de nouveau
») est un parchemin déjà utilisé dont la première écriture a été effacée pour pouvoir écrire un nouveau
texte.
Au Moyen-âge, la rareté et le coût du parchemin rendaient commun l’usage des palimpsestes (surtout entre le VIIe siècle et le XIIe siècle).
Cette pratique a entraîné la disparition de nombreux écrits anciens précieux.
Le palimpseste AqTaylor retrouvé dans la guéniza du Caire, est une copie de la traduction
d’Aquila (qui,
au IIe siècle de n.e, a traduit les Écritures hébraïques en grec).
L’écriture initiale en grec, datée entre le 5e siècle et le début du 6e
siècle, a été en partie effacée et recouverte par une seconde écriture,
un piyyout*,
poème liturgique juif, correspondant à une date ultérieure.
Ce précieux manuscrit se trouve à la librairie de l’université de Cambridge.
Palimpsest; Bible; piyyuṭ - TS-012-188-B[135] – Cambridge University Library
Le manuscrit contient des portions des Psaumes 90-103.
Il est rédigé en grec koiné, mais contient le Tétragramme du Nom de Dieu en paléo-hébreu en Psaumes 91:2, 9; 92:1, 4, 5, 8, 9; 96:7, 7, 8, 9, 10, 13; 97:1, 5, 9, 10, 12; 102:15, 16, 19, 21; 103:1, 2, 6, 8.
Le tétragramme est clairement visible à deux endroits par l’observation de la photo:
Palimpsest; Bible; piyyuṭ - TS-012-188-B[135] – Cambridge University Library
La présence du Tétragramme dans ce palimpseste indique que le Nom divin était encore présent dans certaines versions des Écritures hébraïques en grec, et donc connu des chrétiens,
au 5e siècle ap. J-C.
►Le Palimpseste
AqBurkitt
En ce qui concerne le palimpseste d’Aquila AqBurkitt , l’écriture initiale en grec de la traduction
d’Aquila, datée du début du VIe siècle ap J-C, a été recouverte
par une seconde écriture, un piyyout*, poème liturgique juif, daté, lui, du 9e-11e siècle.
Le palimpseste d’Aquila AqBurkitt
Palimpsest; Bible; piyyuṭ (T-S 20.50) – Cambridge University Library
Palimpsest with Aquila’s Greek translation of II Kings 23:11–27 (dating
to the 6th century), overwritten with piyyuṭim of the liturgical poet Yannai.
The upper script may be 9th–11th century CE. The Greek text uses paleo-Hebrew characters for the tetragrammaton.
Lien - Palimpseste d'Aquila CUDL
Le Palimpseste du second livre des Rois d' Aquila de Sinope contient des parties de 1 Rois 20:
7-17 et 2 Rois 23:
11-27. Ce palimpseste est rédigé en langue grecque, mais le tétragramme est écrit en paléo-hébreu ( ), dans
les endroits suivants: 1 Rois 20:13, 14; 2 Rois 23:12, 16, 21, 23, 25, 26,
27.
Nous pouvons voir deux fois le Tétragramme en paléo-hébreu dans ce passage des Rois de la traduction d’Aquila (le texte continue au verso).
Image modifiée - Le Tégragramme en paléo-hébreu, après avoir effacé l’écriture du piyyout.
Palimpsest; Bible; piyyuṭ (T-S 20.50) – Cambridge University
Library
Palimpsest; Bible; piyyuṭ (T-S 20.50) – Cambridge University
Library
Seules les 2 premières lettres du tétragramme sont présentes ici.
Nous constatons qu’au 6e siècle après J-C, des traductions grecques de la Bible hébraïque contenaient encore le tétragramme du Nom de Dieu.
►L’introduction
d’un KU, abréviation de Kurios
De façon générale, les manuscrits juifs de la Septante ne sont pas retrouvés avec Κύριος à la place du Tétragramme avant le 3ème siècle.
Comment ce Tétragramme était-il prononcé ?
Personne ne le sait.
En effet, à partir du premier siècle, les Juifs s’imposent l’interdiction de prononcer le Tétragramme par crainte ou par superstition. Le nom de Dieu est déclaré ineffable en raison du
Troisième Commandement :
Exode 20 : 7: « Tu n’invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain ».
Le Nom du Souverain de l’univers est jugé trop sacré pour être prononcé, d’autres mots lui sont alors substitués à
l’oral, le plus souvent Adonaï (אדני, "Seigneur"), HaShem (השם, "le Nom") et de temps en temps Elohim (אֱלֹהִים , "Dieu").
C’est ainsi que la prononciation exacte du nom de Dieu s’est perdue avec le temps.
(Plus tard des théologiens auront l’idée ajouter les voyelles de « Adonaï » qui signifie « Seigneur » en hébreu, ce qui
donnera Jéhovah ou Yahvé).
Lien - Le Nom de Dieu est très important !
La prononciation exacte du Nom de Dieu ayant été perdue, certains supposent que le Tétragramme devait certainement se prononcer Kurios "Seigneur", tout comme les Juifs prononçaient Adonaï quand ils rencontraient le Tétragramme.
Cela expliquerait la présente d’un KU, une abbréviation de kurios, lorsque le scribe a manqué de
place pour écrire le Tétragramme, à la fin de 2 Rois 23 :24.
2 Rois 23 :24 : « Josias fit encore disparaître ceux qui évoquaient les esprits et ceux qui prédisaient l’avenir, ainsi que les théraphim, les idoles et
toutes les abominations qui se voyaient dans le pays de Juda et à Jérusalem, afin d'accomplir les paroles de la Loi, écrites dans le livre que le prêtre Helcias avait trouvé dans la maison de
Jéhovah. » - Crampon
C'est en effet l’explication donnée par la Librairie de l’université de Cambridge : “The pronunciation of this word was evidently kurios, ‘lord’ (like Hebrew adonay), for when the scribe ran out of room to write the
tetragrammaton at the end of 2 Kings 23:24 (folio 2b, col. a, line 15), he simply wrote κυ, as an abbreviation
of κύριος.)”
(Ce qui traduit donne: La prononciation du Tétragramme était de toute évidence
« Kurios » (comme adonaï en hébreu) puisque, lorsque le scribe a manqué d’espace pour écrire le Tétragramme à la fin de 2Rois 23 :24, il a simplement
écrit KU, comme une abréviation de Kurios).
Palimpsest; Bible; piyyuṭ (T-S 20.50) – Cambridge University Library
Dans le cercle blanc nous avons l’abréviation KY pour Kurios (il faut fixer
son regard sur l'écrit marron).
En-dessous, le Tétragramme du Nom de Dieu en paléo-hébreu.
Voici la transcription des caractères grecs correspondant à cette page de gauche (verso du palimpseste).
Palimpsest; Bible; piyyuṭ (T-S 20.50) – Cambridge University Library
Avec tous mes remerciements à Benjamin Outhwaite de la CUDL, Cambridge.
Sur cette page nous avons 3 fois le Tétragramme du Nom de Dieu écrit en paléo-hébreu et, à la fin du verset de 2 Rois 23
:24, nous avons l’abréviation de Kurios (KY - seigneur) à la place du Tétragramme (folio 2b, col. a, line 15).
Selon l’explication retenue, c’est le manque de place qui a poussé le scribe à écrire KU à la place du Tétragramme composé des 4
lettres paléo-hébraïques, et cela d’autant plus facilement que le Nom de Dieu se prononçait déjà ainsi (Kurios) du fait de l’ignorance de sa prononciation réelle
(interdiction juive).
Le fait d’imiter les Juifs, gardiens de la tradition des textes sacrés les plus anciens, en disant « Seigneur »
(Adonaï en hébreu, Kurios en grec) plutôt que de prononcer le Nom de Dieu a provoqué avec le temps la disparition du Nom divin, le Nom le plus
important de l’univers, d’une manière drastique et bien regrettable.
Les 4 lettres écrites en paléo-hébreu, une écriture inconnue pour les non-juifs, n’avaient alors plus aucun intérêt si, de toute manière, il fallait dire « Seigneur »…
Cette position est malheureusement maintenue, encore aujourd’hui, par les grandes Eglises chrétiennes.
En effet, depuis le pontificat de Benoît XVI, l’Église catholique préconise, entre autres par respect pour
les Juifs, de ne plus prononcer « Yahvé » mais d’employer à la place l'expression « le Seigneur » selon l’usage de la Vulgate, laquelle suit elle-même les copies tardives de la Septante, dans
lesquelles le Tétragramme avait fini par être remplacé par Κύριος (Kyrios, « Seigneur »). - Lien - Synode
►Le Palimpseste Taylor - Schechter 12.182
Le manuscrit Taylor-Schechter 12.182 (T-S 12.182) est un palimpseste provenant
de la guéniza
du Caire et
datant du 7e
siècle après J-C. Il
contient les Hexaples d’Origène sur
le livre des Psaumes.
Le texte grec presque effacé a été recouvert par un piyyout, poème liturgique juif. Les deux écrits sont inversés l'un par rapport à l'autre.
« Les Hexaples »
est le nom donné à la Bible polyglotte d’Origène qui
réunit 6 versions différentes de
la Bible hébraïque placées côté à côte sur 6 colonnes dont les traductions d'Aquila de
Sinope, de Symmaque l'Ébionite, et de Théodotion.
Palimpsest; piyyut; Bible (T-S 12.182) - From Cairo Genizah -Cambridge University Library
Le parchemin* comporte
les versets de Psaumes
22 : 15-18 au
recto et Psaumes 22 :25-28 au
verso.
Le Tétragramme apparait en caractères grecs « Pipi »
(ΠΙΠΙ)
dans la traduction de Symmaque colonne
4, ligne 2. Symmaque est un traducteur de la Bible en grec du IIe siècle. Sa traduction a été intégrée dans les Hexaples avec celle d'Aquilla. Selon Jérôme, certains
manuscrits de la Septante contenaient le Tétragramme écrit sous cette forme probablement en raison des 4 lettres hébraïques du Nom de Dieu ressemblant fortement au 4 lettres grecques de «
Pipi » (Pi Iota Pi Iota,
de gauche à droite).
Palimpsest; piyyut; Bible (T-S 12.182) - verso de la page précédente - Cambridge University Library
Palimpsest; piyyut; Bible (T-S 12.182) - agrandissement- Cambridge University Library
Le manuscrit est conservé à la bibliothèque de l’université de Cambridge, dans la collection Taylor-Schechter de la guéniza du Caire (Cambridge University Library T-S 12.182).
La présence du Tétragramme dans ce palimpseste indique que le Nom divin était encore présent dans certaines versions des Écritures hébraïques en grec, et donc connu des chrétiens, au 7e siècle ap. J-C.
● Conclusion
La guéniza du Caire a révélé des trésors insoupçonnables cachés pendant des siècles et dont l’existence-même est indissociablement liée à la sainteté du Nom de Dieu.
Les manuscrits bibliques qui y ont été retrouvés permettent de constater la stabilité du texte
sacré. Le Nom de
Dieu, y est présent à la fois dans les écrits hébreux et dans les écrits grecs de la Bible hébraïque sous la forme d’un Tétragramme en écriture paléo-hébraïque ou en grec imitant l'hébreu
(PIPI).
Au septième siècle après Jésus-Christ, ce Tétragramme n’avait pas encore totalement disparu de la Bible (même si les versions plus récentes de la Septante avaient déjà remplacé le Nom divin
par Kurios ou Theos).
La présence d’un KY (Kurios) dans le Palimpseste AqBurkitt daté du début du VIe siècle présageait en
effet le début de l’ablation des 7000 occurrences du Nom du Souverain suprême de l’univers, l’Auteur des écrits sacrés adressés à l’humanité dans lesquels il nous a communiqué son Nom
: Jéhovah ou Yahvé ou Yahweh.
Plutôt que de l’ignorer, Honorons ce Nom et accordons au Créateur
tout le Respect qui lui est dû.
Quelques
définitions:
* Codex (pluriel
: codices) :
Livre formé de feuilles manuscrites, de parchemin ou de papier, pliées et assemblées en cahiers pour former un ouvrage, tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le codex est généralement
protégé par une reliure qui peut être simplement de cuir ou bien de matières précieuses telles que l'or, l'argent, l'ivoire, ou même le cuivre ciselé, émaillé et gemmé. Cet ancêtre du livre
moderne a été inventé à Rome durant le IIe siècle av. J.-C. et s'est répandu à partir du Ier siècle, pour progressivement remplacer le rouleau de papyrus ou de parchemin
(le volumen)
grâce à son faible encombrement, son coût modéré, sa maniabilité et la possibilité qu'il offre d'accéder directement à n'importe quelle partie du texte.
Le codex ainsi formé contient beaucoup plus de textes que le rouleau antique (volumen), peu à peu abandonné. Cette mutation, qui bouleverse les habitudes d’écriture et de lecture, prend
plusieurs siècles.
Elle est impulsée par les chrétiens : la Bible est copiée sur codex dès le IIe siècle ; mais les Romains et les Grecs continuent d’inscrire leurs comptes, contrats et notes diverses sur des
tablettes de bois recouvertes de cire et lisent les textes littéraires dans des rouleaux.
Le codex s’impose vraiment au IVe siècle dans l’Occident latin et au Ve siècle dans l’Empire byzantin.
* Palimpseste (du
grec ancien παλίμψηστος / palímpsêstos, « gratté de
nouveau ») : Parchemin déjà utilisé dont la première écriture a été effacée pour pouvoir écrire un
nouveau texte.
Au Moyen-âge, la rareté et le coût du parchemin rendaient commun l’usage des palimpsestes (surtout entre le VIIe siècle et le XIIe siècle).
Cette pratique a entraîné la disparition de nombreux écrits anciens précieux.
* Papyrus : Forme
de papier fabriqué à partir de la tige d’une plante native des rives de Nil et de son delta appelée « papyrus ». La tige ligneuse de section triangulaire était coupée en fines lamelles,
trempées dans l’eau, puis compactée par des poids de pierre avant d’être séchée.
* Parchemin : Peau
animale traitée pour devenir le support essentiel du livre du début de notre ère jusqu’au IXe siècle au Proche-Orient, et durant tout le Moyen Âge en Occident.
Sa fabrication à partir de peaux, le plus souvent de mouton, de veau ou de chèvre, a été mise au point vers le IIe siècle avant J.-C. à Pergame (Asie Mineure) pour remplacer le
papyrus, alors monopole de l’Égypte.
Le mot parchemin, en grec pergamênê, vient du nom de la ville de Pergame (sur la côte ouest de l'actuelle Turquie) et a donné "parchemin" en français.
Le parchemin, en effet, matière solide, facile à plier, inscriptible des deux côtés, donne des feuillets que l’on réunit et assemble en cahiers.
Il existe des vestiges de codex en parchemin très tôt, dès le début du IIe siècle.
* Piyyout (au plur. Piyyoutim) : Poème liturgique juif
généralement destiné à être chanté ou récité pendant l'office. Il existe des piyyoutim depuis l'époque du temple de Jérusalem. La plupart sont en hébreu ou en araméen et utilisent une
structure poétique tel un acrostiche suivant l'ordre de l'alphabet hébreu ou épelant le nom de l'auteur du piyyout.
* Vélin : Peau de
veau mort-né, plus fine que le parchemin ordinaire.
Olivier
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