Théophile d’Antioche et les Grecs


Théophile d’Antioche et la culture grecque


 

 

Théophile d’Antioche (mort en 183 ou 185) est évêque d’Antioche (ou Antioche-sur-l'Oronte, ville moderne d'Antakya en Turquie). De tous les apologètes du IIe siècle dont les textes ont été conservés, Théophile est l’un des seuls à avoir été évêque avec Méliton de Sardes.  


Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont on ne connaît pour la plupart que le titre transmis par 
Eusèbe de Césarée ou Jérôme de Stridon.  On peut citer le « traité contre Hermogène » dans lequel l’auteur citait des extraits de l’Apocalypse de Jean et les commentaires sur le livre des Proverbes et sur les Évangiles. Ces ouvrages sont aujourd'hui perdus.
L'évêque est considéré comme saint par les catholiques et les orthodoxes.

Théophile a rédigé une apologie composée de 3 livres : le « 
Traité à Autolycus ». Il y critique les philosophes grecs qui se contredisent. Il discrédite les faux-dieux, produits de l’artisanat, auxquels sont associées des histoires mythologiques mettant en évidence leurs vices, défauts et faiblesses.

Dans le livre 3, il réfute les
 accusations d’immoralité et de cannibalisme et montre que les textes des chrétiens ne sont pas des fables.  

Lien - Traité à Autolycus



 Les philosophes se contredisent

Théophile reproche aux philosophes de propager des enseignements basés sur des suppositions contradictoires et non sur des faits.

« II. Il aurait fallu qu’ils eussent été témoins oculaires des faits qu’ils rapportent, ou du moins qu’ils les eussent appris exactement de ceux qui les avaient vus de leurs yeux car c’est frapper l’air que de transmettre des choses incertaines. »

« III. Tous ces hommes, en effet, avides d’une folle gloire, n’ont pas découvert la vérité, ni excité les autres à la chercher; ils se trouvent réfutés par leurs propres paroles, puisque leurs livres sont remplis de contradictions. Non seulement ils se détruisent les uns les autres, mais il en est même qui annulent leurs propres arrêts, de sorte que leur gloire s’est changée en opprobre et en folie, car tout homme sage les condamne. Ils ont parlé des dieux et ont enseigné ensuite qu’il n’en existait aucun; ils ont traité de l’origine du monde et ont dit après que tout était incréé; ils ont disputé sur la Providence, et ont décidé ensuite que le monde était le jouet du hasard. » -
 Autolycus III

Théophile reproche à ses philosophes supposés sages de croire toutes les calomnies répandues à l’encontre des chrétiens (inceste, cannibalisme, accouplements au hasard…).
Il dit qu’il vaut bien mieux être disciple de la sagesse divine car seul Dieu peut nous apprendre la vérité.

« XVII. Il vaut mieux être disciple de la sagesse divine, comme ce philosophe (Platon) l’avoue lui-même, puisqu’il dit que Dieu seul peut nous apprendre la vérité.»

Contrairement aux philosophes qui se contredisent et enseignent de nombreuses faussetés, les prophètes de Dieu ont annoncé, dans une totale harmonie, des évènements qui se sont bien réalisés et d’autres qui se réaliseront à coup sûr et concerneront le monde entier.

« A combien plus forte raison sommes-nous donc sûrs de connaître la vérité, nous qui la tenons des saints, prophètes, remplis de l’esprit de Dieu? Aussi règne-t-il entre eux l’accord le plus parfait; ils ont annoncé d’avance tous les événements qui devaient arriver au monde entier. L’accomplissement de leurs premières prédictions peut convaincre tout homme avide de s’instruire et de connaître la vérité qu’elle se trouve dans tout ce qu’ils ont dit des temps antérieurs au déluge, et sur la suite des temps, depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours: et dès lors il est évident que les récits des autres écrivains ne sont que d’ineptes impostures, et un tissu de faussetés. » - (XVII)



 Les calomnies à l’encontre des chrétiens

Les Grecs propagent de terribles calomnies et des rumeurs choquantes à l’encontre des chrétiens alors qu’eux-mêmes célèbrent des dieux dépravés adonnés à toutes sortes de perversités et de violences (III).

Théophile d’Antioche reproche aux philosophes grecs réputés pour leur sagesse d’accorder du crédit aux terribles accusations mensongères portées contre les chrétiens.

« . Quelle que soit, en effet, votre sagesse, vous accueillez volontiers les paroles des hommes les plus insensés, autrement vous n’auriez point été ébranlé par leurs vains discours, vous n’auriez point cru à de vieilles calomnies semées par l’impiété, qui invente toutes sortes de crimes contre nous, parce que nous sommes Chrétiens et que nous adorons le vrai Dieu. Ils répètent partout que dans nos assemblées toutes les femmes sont en commun, qu’on s’unit au hasard avec ses propres sœurs, et, ce qui est le comble de l’impiété et de la barbarie, que toute espèce de chair nous est bonne, même la chair humaine. Ils ajoutent aussi que notre doctrine est toute nouvelle, que nous manquons de preuves, pour en établir la vérité, que nos institutions sont des folies. Je ne puis trop m’étonner de vous voir prêter à nos discours une oreille si peu attentive, vous, si studieux, si appliqué dans tout le reste, car vous passeriez vos nuits dans les bibliothèques, si vous le pouviez. » - (IV)

L’apologète cite ensuite de nombreux enseignements bibliques de la Loi de Moïse et des Écritures chrétiennes démontrant les valeurs morales élevées des chrétiens.

« XIII. A l’égard de la chasteté, l’Ecriture nous apprend non seulement à ne point pécher par action, mais à éviter même toute mauvaise pensée, de sorte que notre cœur reste toujours pur, et que nos yeux ne s’arrêtent point sur la femme d’autrui. »

Les arguments apportés pour défendre la réputation des chrétiens sont étayés par de nombreux versets bibliques démontrant 
un enseignement sain, de haute moralité.

« XIV. Non seulement les saints livres nous apprennent à aimer nos parents et nos amis, mais aussi nos ennemis, selon ces paroles d’Isaïe: »

« La sainte Écriture nous ordonne aussi d’être soumis aux magistrats et aux princes, et de prier pour eux, afin que nous menions une vie paisible et tranquille. Enfin elle nous apprend à rendre à chacun ce qui lui appartient» - XIV



 Les philosophes grecs et la réincarnation

Théophile critique Platon et Pythagore pour leur croyance en la 
doctrine de la réincarnation.

Buste de Platon.   -  Buste de Pythagore. Musei Capitolini, Roma - wikipedia



« Platon lui-même, qui traita fort au long de l’unité de Dieu et de l’immortalité de l’âme humaine, ne semble-t-il pas se contredire ensuite, lorsqu’en parlant des âmes, il dit que les unes passent dans d’autres hommes, que les autres vont animer des animaux sans raison? Est-il une opinion plus capable de révolter le bon sens? Quoi! un homme se trouve métamorphosé tout à coup en un chien, en un loup, en un âne ou en tout autre animal semblable! Pythagore a soutenu la même doctrine, et de plus il a nié la Providence. » - VII



 L’absurdité de vénérer des faux dieux produits par un potier, un peintre…


Les ouvriers qui confectionnent des statues ne font que vénérer la matière qu’ils avaient peu de temps avant entre leurs mains.

« II. N’est-il pas ridicule de voir des statuaires, des potiers, des peintres et des fondeurs, façonner, peindre, sculpter, fondre, en un mot, fabriquer des dieux dont se jouent les ouvriers eux-mêmes, tandis qu’ils les fabriquent; de voir ceux-ci leur offrir leur encens, lorsqu’ils les ont vendus pour servir à l’usage d’un temple ou de quelque autre lieu? Non seulement les acheteurs, mais encore les vendeurs et les ouvriers accourent à ces prétendus dieux, leur font des libations, leur offrent des victimes et les adorent, comme s’ils étaient des dieux, sans s’apercevoir qu’ils ne sont rien autre chose que ce qu’ils étaient sous leur main; c’est-à-dire de la pierre, de l’airain, du bois, des couleurs ou toute autre matière semblable. »- (Livre 2- II).

Le prophète Esaïe avait déclaré :
Esaïe 44 : 9 : « Ceux qui fabriquent des sculptures sacrées ne sont tous que vide et celles qui font leur plus grand plaisir ne servent à rien. Du reste, elles en témoignent elles-mêmes: elles ne voient rien et ne savent rien, si bien qu'ils seront couverts de honte.»


 Pourquoi le mont Olympe est-il vide alors que les dieux se seraient multipliés tout en étant immortels ?

Pourquoi le mont Olympe est-il vide alors que les dieux se seraient multipliés tout en étant immortels ? Les faux dieux ne sont que le produit de l'artisanat.

Olympe, par Tiepolo (milieu du XVIIIe siècle).



«
 Car, s’ils naissaient autrefois, ils devraient naître encore aujourd’hui, comme nous naissons nous-mêmes; bien plus, leur nombre devrait surpasser de beaucoup celui des hommes, selon ces paroles de la Sybille :
« Si les dieux engendrent et s’ils sont immortels, ils doivent être beaucoup plus nombreux que les hommes, et ne laisser à ces derniers aucun endroit qu’ils puissent habiter. »
En effet, si les hommes, qui sont mortels, et dont la vie est si courte, n’ont cessé jusqu’à ce jour de naître et de se reproduire, en sorte qu’ils remplissent les villes, les bourgades et les champs, à combien plus forte raison les dieux, qui ne meurent point, selon le langage des poètes, devraient-ils continuer d’engendrer et d’être engendrés, comme vous dites qu’ils l’ont fait autrefois?
Pourquoi le mont Olympe, jadis habité par les dieux, est-il aujourd’hui désert? Pourquoi Jupiter, qui, au dire d’Homère et des autres poètes, demeurait sur le mont Ida, l’a-t-il abandonné sans qu’on sache maintenant où il s’est retiré?
 »- (Livre 2- III).


La Bible décrit les appels et incantations sans réponse des prophètes de Baal

1 Rois 18 :26-29 : « 26  Puis ils firent appel au nom de Baal depuis le matin jusqu'à midi en disant: «Baal, réponds-nous!» Mais il n'y eut ni voix ni réponse, même s'ils sautaient devant l'autel qu'ils avaient érigé. 27 A midi, Elie se moqua d'eux et dit: «Criez à haute voix! Puisqu'il est dieu, il doit être en train de penser à quelque chose, ou bien il est occupé, ou encore en voyage. Peut-être même qu'il dort et qu'il va se réveiller.» 28 Ils crièrent à haute voix et, conformément à leur coutume, ils se firent des incisions avec des épées et avec des lances jusqu'à ce que le sang coule sur eux. 29 Lorsque midi fut passé, ils prophétisèrent jusqu'au moment de la présentation de l'offrande. Mais il n'y eut ni voix, ni réponse, ni signe d'attention. »

 

 

 Les faux dieux sont des exemples infâmes (chapitres IX et X)

Théophile énumère de nombreux dieux célèbres et rappelle leurs vices, il rejoint en cela Tatien le Syrien:

« Saturne dévore ses propres enfants. Jupiter, son fils, (…) fut nourri par une chèvre, sur le mont Ida; puis il la tua, comme le rapporte la fable, et lui ayant arraché la peau, il s’en fit un vêtement. Parlerai-je de ses incestes, de ses adultères, de ses infamies avec des enfants? (…) Pourquoi parler d’Hercule, qui s’est brûlé; de Bacchus, ivre et furieux; d’Apollon, que la crainte fait fuir devant Achille, qui aime Daphné et qui ignore la mort d’Hyacinthe; de Vénus, blessée; de Mars, fléau des hommes; (…) ? Ce n’est pas tout encore, un de vos dieux nommé Osiris est déchiré, mis en lambeaux, et l’on célèbre tous les ans ses mystères (…). Que dirai-je de la mutilation d’Atys; d’Adonis, errant dans les forêts et blessé à la chasse par un sanglier; d’Esculape, frappé de la foudre; de Sérapis, exilé de Sinope à Alexandrie; d’Artémis de Scythie, aussi exilée, homicide chasseresse, éprise d’amour pour Endymion? Nous n’inventons pas ces faits, ce sont vos poètes et vos historiens qui les publient. »- (Livre 1- IX).

(…) Certes, ce ne sont point des dieux, mais des simulacres, ouvrages des hommes, comme nous l’avons dit; ce sont des démons impurs. Qu’ils deviennent semblables à leurs idoles, ceux qui les fabriquent et qui mettent en elles leurs espérances.  
»- (Livre 1- X).

 

Saturne-Cronos dévorant un de ses enfants - Artémis chasseresse,  musée du Louvre- Giuseppe Mazzuoli, Adonis blessé par un sanglier - wikipédia

 

 


 Conclusion

Contrairement à d’autres apologètes comme Justin Martyr, Théophile d’Antioche n’hésite pas à critiquer la culture grecque – ses philosophes qui se contredisent et qui accordent du crédit aux terribles calomnies sur les chrétiens - ses dieux fabriqués de toute pièce par des artisans et associés à des histoires sordides.

Il critique Platon et Pythagore pour leur croyance en la réincarnation.


Olivier

 


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