● L’Apocalypse de Pierre, un écrit apocryphe
►L'Apocalypse de Pierre est un texte apocryphe chrétien en grec, probablement rédigé dans le premier tiers du IIe
siècle en Égypte, et faussement attribué à l'apôtre Pierre (pseudépigraphique).
L'Apocalypse de Pierre se répand à partir de 150 après J.C., elle est utilisée par Clément d'Alexandrie qui
la considère comme canonique, mais reste controversée. Eusèbe de Césarée, au IVe siècle, puis Jérôme la rejettent.
Le texte est perdu jusqu’à la fin du XIXe siècle et n’est connu qu’au travers d’extraits cités par Clément d’Alexandrie. En 1886, on en découvre un fragment grec
dans le tombeau d’un moine à Akhim, en Haute-Egypte (manuscrit daté des VIIe-VIIIe s.), avec un long passage de l’Evangile de Pierre.
Le texte de l'Apocalypse de Pierre figure dans le codex VII des papyrus retrouvés à Nag Hammadi en 1945, conservés au musée copte du Caire.
Manuscrit de l'Apocalypse de Pierre, Musée copte du Caire
►Le canon
de Muratori (IIème siècle) l’intègre dans les livres canoniques en précisant
toutefois que « certains des nôtres ne veulent pas qu’on la lise dans
l’église».
« Des apocalypses aussi, nous recevons seulement celle de Jean et celle de Pierre, que
certains des nôtres ne veulent pas qu’on lise dans l’Eglise. »
● Le contenu de cet écrit apocryphe
► En ce qui concerne le contenu de cet écrit, voici ce que dit l'encyclopédie universalis :
« Il se présente comme une « révélation » (apocalypse) faite par le Christ à Pierre, qui la
transmet à son disciple Clément. Il donne une description du Ciel et de l'Enfer, qui s'inspire du thème général des apocalypses, préoccupées par l’eschatologie, générale ou individuelle. Cet
ouvrage est aussi un développement de données puisées dans la IIe Épître de Pierre, concernant particulièrement la destruction du monde par le feu et l'importance extrême de la Transfiguration.
Il consiste enfin en une utilisation de l'eschatologie pythagoricienne et des religions orientales. Si la description du paradis y est assez belle, l'énumération qu'il donne des supplices, jusque
dans les plus minutieux détails, a quelque chose de repoussant. Mais ce tableau contrasté du Ciel et de l'Enfer a eu une très grande influence sur la littérature chrétienne, peut-être déjà sur le
Pasteur d'Hermas et sur l'Apocalypse de Paul (apocryphe), ainsi que sur l'art chrétien dans ses représentations du Ciel et des Enfers. Il ne semble pas que les Églises chrétiennes aient jamais
jeté le discrédit sur ce livre.»
● L’Apocalypse de Pierre et les supplices des enfers
Voici la partie correspondant à la description détaillée des enfers et des supplices que doivent subir les condamnés ; cette partie suit la description du Paradis céleste glorieux et
resplendissant de lumière :
21 Et j'ai vu également un autre endroit opposé à celui-là, très misérable; et c'était un endroit de châtiments, et ceux qui étaient frappés, et les anges qui les
tourmentaient, étaient vêtus d'habits d'obscurité, selon l'air de l'endroit.
22 Et certains furent pendus par leurs langues ; c'étaient ceux qui avaient blasphémé la voie de la justice, et sous eux se trouvait un feu flamboyant qui les
affligeait d'une douleur inexplicable.
23 Et il y avait un grand lac rempli d'une boue infecte d'excréments qui flamboyait, où se trouvaient certains hommes qui s'étaient détournés de la droiture; et des
anges furent établis au-dessus d'eux pour les tourmenter sans cesse.
24 Et il y s'en trouvait d'autres également, des femmes furent pendues par leurs cheveux au-dessus de cette boue répugnante qui bouillonnait intensément; et
c'étaient celles qui s'étaient ornées pour l'adultère. Et les hommes qui s'étaient joints à elles dans le défilement de l'adultère, étaient pendus par leurs pieds et leur tête fut cachée dans la
boue odieuse; et nous dirent : Nous avons cru et nous avons vu qu'il ne serait pas bon que nous venions à cet endroit.
25 Et moi j'ai vu que les meurtriers et ceux qui consentirent avec eux furent jetés dans un endroit étroit plein de malices et de créatures infernales qui rampent,
et frappés par ces bêtes, ils se lamentèrent dans leurs tourments. Et sur eux fut relâché un nuage de vers obscurs qui les rongeaient. Et les âmes de ceux qui furent tués, se tenaient et
considéraient le tourment de ces meurtriers et dirent: Ô Dieu, que tes jugements sont justes.
Une représentation de l'enfer sur un manuscrit médiéval
26 Et à côté de cet endroit, j'ai vu un autre lieu où la décharge et la puanteur de ceux qui étaient dans les tourments coulaient à grand flots, et
il y avait là comme un lac rempli de ces horreurs. En ce lieu, des femmes furent assises jusqu'à leur cou dans ce liquide dégoûtant, et à leur côté se tenait une multitude d'enfants nés hors
temps qui se lamentèrent, et desquels sortaient des rayons de feu qui frappaient les femmes dans leurs yeux; ce fut les enfants qui furent conçus hors du mariage et ceux qui furent
avortés.
27 Et d'autres hommes et femmes étaient brûlés jusqu'à leur milieu et furent jetés dans un endroit ténébreux où ils furent fouettés par des mauvais
esprits, ayant aussi leurs entrailles rongées par les vers qui ne se reposent point. Et c'étaient ceux qui avaient persécuté les justes et qui les avaient trahis.
28 Et à leur côté étaient encore des femmes et des hommes qui mangèrent leurs lèvres, dans un tourment affreux, et ayant des fers rougis à feu placé
contre leurs yeux. Et ce fut ceux qui blasphémèrent et parlèrent en mal contre la voie de la justice.
29 Et prêt d'eux se trouvaient des femmes et des hommes rongeant leurs langues et ayant un feu flamboyant dans leurs bouches. Et ceux-ci furent les
faux témoins.
30 Et dans un autre endroit se trouvait des pierres chauffées au feu, plus tranchantes que des épées; et là des hommes et des femmes vêtus en
lambeaux souillés se roulèrent sur ces pierres dans d'affreux tourments. Et c'étaient ceux qui étaient riches et qui avaient placé leur confiance dans leurs richesses, et qui n'avaient eu aucune
pitié pour les orphelins ni pour les veuves, mais qui avaient négligé les commandements de Dieu.
31 Et dans un autre grand lac rempli complètement de matière fétide (pue), de sang et de boue en ébullition, se tenait des hommes et les femmes
debout jusqu'à leurs genoux; ces derniers étaient ceux qui ont prêté de l'argent avec usure sur usure.
Le Jugement dernier, par Fra Angelico XVe siècle
32 Et d'autres hommes et femmes, jeté d'un haut escarpement, tombèrent jusqu'au fond et furent forcé d'escalader le rocher pour être rejeté en bas
de nouveau, et ils n'avaient aucun repos de ce tourment. C’étaient les hommes qui souillèrent leurs corps en se conduisant comme des femmes; et les femmes qui étaient avec eux étaient celles qui
couchèrent avec d'autres comme un homme couche avec une femme.
33 Et près de cet escarpement se trouvait un endroit complètement couvert de feu, et là se tenaient les hommes qui avaient fait des images à leur
propre ressemblance plutôt qu'à celle de Dieu. Et à leur côté se tenaient d'autres hommes et d'autres femmes qui se frappèrent avec des tiges du feu, et qui ne se reposèrent point de cette forme
de tourment...
34 Et encore près d'eux, se trouvaient des hommes et femmes qui brûlèrent en se faisant rôtir. Ce fut ceux qui avaient abandonné la voie de
Dieu.
● Conclusion
De tels écrits faussement attribués aux apôtres et soutenus par certains Pères de l’Eglise ont très certainement joué un rôle dans l’adoption par les chrétiens de
la doctrine de l’enfer de feu, lieu de supplices éternels ; d’autant plus que la description déploie d’innombrables détails plus terrifiants les uns que les autres.
Olivier Pour laisser un commentaire, c'est ici !