Depuis plus d'un siècle, la zone d'Oxyrhynque en Haute
Egypte située sur la rive ouest du Nil, près de la ville d'el-Bahnasa, à environ 160 kilomètres au sud
du Caire, est l'objet de fouilles continues (seules les deux guerres mondiales et la crise de Suez en 1956 sont venues interrompre momentanément le travail des archéologues).
De très nombreux papyrus des périodes grecque et romaine ont été découverts. Parmi les textes les plus importants figurent le papyrus P52 ou P. Rylands GK.
457 contenant deux passages du chapitre 18 de
l’Évangile selon Jean et daterait de la première moitié du IIe
siècle, ce qui en fait le plus vieux manuscrit connu du Nouveau Testament.
Il est conservé à la John Rylands Library de Manchester.
Le papyrus P52 ou P. Rylands GK. 457 est le plus vieux manuscrit connu du Nouveau Testament.
● L’histoire des détritus
d’Oxyrhynque
Oxyrhynque est une ville importante et prospère pendant la période grecque, et la troisième ville d'Égypte par sa taille. A partir du IVe
siècle, elle devient un centre chrétien rayonnant connu pour ses nombreuses églises et monastères.
Pendant plus de 1000 ans, les habitants d’Oxyrhynque prennent l’habitude de jeter leurs ordures dans plusieurs décharges à ciel ouvert dans le
désert. Avec le temps, s'élèvent des monticules de plusieurs mètres de hauteur.
Après la conquête arabe en 641, la ville décline et se dépeuple. Le système de canaux qui assure l’approvisionnement de la ville est abandonné et la ville finit de sombrer.
Comme la rive ouest du Nil ne reçoit jamais de pluies, les détritus restés sur place, complètement ensablés avec le temps, sont
préservés bien au sec.
Il est amusant de constater que les décharges dans lesquelles les habitants d’Oxyrhynque ont déversé leurs déchets pendant plus de 1000 ans sont devenues, bien plus tard, et pendant plus de 100
ans, des sources de trésors archéologiques intéressant au plus au point de nombreux spécialistes!
En effet, en 1896, Bernard P.
Grenfell et Arthur S. Hunt, deux jeunes universitaires du Queen’s College d’Oxford,
sont envoyés en Egypte où ils entreprennent des fouilles sur le site d’Oxyrgynque.
« Mes premières impressions en examinant le site furent qu'il n'était pas très
prometteur », écrit Grenfell. « Les remblais de détritus n'étaient rien d'autre pour moi que des remblais de détritus ». Cependant les deux étudiants réalisent très vite que les collines de déchets sont en fait constituées en grande partie des
archives de toute une ville. « Le courant de papyrus devint vite un torrent » se rappelle Grenfell, « Le simple fait de
retourner le sol avec sa chaussure suffisait souvent pour trouver un feuillet ».
En effet, la ville ayant été une capitale régionale administrative, les monticules de détritus contiennent une grande quantité d’écrits (factures, lettres, feuilles d’impôts, certificats, reçus,
registres, ventes, baux, testaments, comptes-rendus judiciaires, correspondance officielle…) provenant des archives gouvernementales ou de particuliers. Ces documents sont rédigés en grec. Le
papyrus étant cher, les deux faces étaient utilisées (parfois pour des choses totalement différentes). Ces documents montrent que le grec koïné était couramment parlé par les Egyptiens de
l’époque.
Les deux jeunes archéologues fouillent scrupuleusement les montagnes de déchets pendant des années. Leur effort est largement récompensé : plus de 70 % des papyrus découverts jusqu'ici
proviennent d'Oxyrhynque. Cependant sur les milliers de papyrus découverts à Oxyrhynque, seuls 10 % concernent des textes littéraires.
Nous avons vu que parmi les documents chrétiens trouvés dans le Fayoum ou à Oxyrhynque, se trouve le plus ancien papyrus comportant un texte évangélique, le Papyrus Rylands 457 ou P52 (ou pièce 52), daté de
l'an 125, qui
reproduit une partie du chapitre 18 de l'Évangile selon Jean.
D'autres fragments concernent les évangiles selon Matthieu 1 (IIIe siècle - pièce 3), 11-12 et 19 (IIIe siècle - pièces 2384, 2385) ; Marc (Ve et VIe siècles - pièce 3) Jean 1 et 20 (IIIe siècle
- pièce 208), l'épître aux Romains 1 (IVe siècle : pièce 209), la première épître de Jean (IVe et Ve siècles - pièce 402), l'Apocalypse de Baruch (chapitres 12 à 14, IVe ou Ve siècle - pièce
403), l'évangile des Hébreux (IIIe siècle - pièce 655), le pasteur d'Hermas (IIIe ou IVe siècle - pièce 404), et un travail d'Irénée de Lyon (IIIe siècle - pièce 405).
On trouve aussi des prières (fragment Oxyrhynchus 840 - IIIe siècle et fragment Oxyrhynchus 1221 - IVe siècle), des cantiques, et des lettres chrétiennes. Des fragments de l'Évangile selon
Thomas, aussi connu sous le nom de paroles de Jésus sont présents sur le fragment 1654.
● Le Tétragramme
du Nom divin
Parmi les papyrus d'Oxyrhynque , on peut citer 3 manuscrits de la Septante contenant le Tétragramme du Nom de Dieu : les papyrus d'Oxyrhynque 1007, 3522 et 5101.
►Le Papyrus
Oxyrhynque 3522
Ce manuscrit est un fragment de la Septante (LXX) datant du premier siècle av
J-C.
Le papyrus (LXX POxy3522) contient les versets de Job 42 : 11 et 12.
Le Tétragramme du Nom divin y est écrit en caractères paléo-hébraïques au
milieu des caractères grecs de la Septante (ligne 5).
Le manuscrit est conservé dans le département de papyrologie de la bibliothèque Sackler à Oxford sous la référence (P.Oxy.L 3522).
Wikipédia Commons
Il est intéressant de disposer d'un manuscrit aussi ancien, âgé de plus de 2000 ans!
Le Tétragramme y apparaît clairement, en paléo-hébreu, indiquant que le Nom de Dieu était bien présent dans les premières traductions en grec de la Septante.
►Le Papyrus
Oxyrhynque 5101 (P.Oxy.LXXVII 5101)
Le papyrus Oxyrhynque 5101 (ou Papyrus Oxyrhynchus 5101, en abrégé P.Oxy.LXXVII 5101) est composé de fragments de la Septante (LXX) en langue grecque koïné. Il est
daté entre 50 et 150 de n.e.
Le manuscrit contient des passages des Psaumes :
Psaumes 26:9-14; 44:4-8; 47:13-15; 48:6-21; 49:2-16; 63:6-64:5.
Le manuscrit rend le nom divin (Yahweh) en lettres paléo-hébraïques.
(P.Oxy.LXXVII 5101) est conservé au département de papyrologie de la bibliothèque Sackler (Sackler library) à Oxford.
Le Papyrus Oxyrhynque 5101 (P.Oxy.LXXVII 5101) - Wikipédia Commons
Agrandissement de l'image précédente - le Tétragramme apparaît en écriture paléo-hébraïque
Au IIe siècle, le Tétragramme était toujours présent dans la Septante, et très certainement dans les Écritures grecques chrétiennes qui sont la
suite logique des Écritures hébraïques et qui reprennent de nombreux passages de l'Ancien Testament.
► Papyrus Oxyrhynchus 1007 (ou LXXP.Oxy.VII.1007)
Ce papyrus également découvert à Oxyrhynque, est un fragment de la Septante (LXX), la Bible hébraïque traduite en grec, datant du 3ème siècle. Il contient des passages du livre de
la Genèse (chapitres 2 et 3) :
Genèse 2:7-9,16-19 recto; 2:23-3:1, 3:6-8 verso.
Papyrus Oxyrhynchus 1007 (ou LXXP.Oxy.VII.1007) - Wikipédia Commons
Le Tétragramme du Nom divin y est écrit de manière abrégée avec
un double yod,
deux z réunis avec une barre horizontale : zz.
Ce document, dont l’appartenance juive ou chrétienne n’est pas établie, possède à la fois le Nom de Dieu en hébreu zz (caractéristique des manuscrits juifs)
en Genèse 2 :8 et un nomen sacrum ΘΣ (caractéristique des manuscrits chrétiens) en Genèse
2 :18.
Genèse 2 :18 : «
Jéhovah Dieu dit: "Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui. » Crampon
L'image est en double avec des effets différents afin de visualiser le Tétragramme.
►Ce manuscrit de la
Septante datant du IIIe siècle contient à la fois le Nom de Dieu en hébreu et le nomen sacrum ΘΣ qui signifie "Dieu" et qui est caractéristique des Bibles après
le IIIe siècle.
Cela existe aussi dans le palimpseste d’Aquila AqBurkitt qui contient à la fois le Tétragramme en paléo-hébreu et KY pour "Kurios" signifiant "Seigneur".
►C'est sans doute à partir
du IIIe siècle que le Nom divin a commencé à être remplacé par un titre comme "Seigneur" ou "Dieu". En effet, la prononciation du Tétragramme
s'était perdue avec le temps et son écriture était inconnue des chrétiens d'origine non juive. Il est probable également que les chrétiens imitaient les Juifs qui prononçaient
"Adonaï " à
la place du Nom de Dieu.
Enfin, l’émergence de la doctrine de la Trinité qui enseigne un Dieu en 3 personnes, a fini d'éloigner le Nom du Souverain de l'univers, Jéhovah, puisque les
Évangiles relatent l'histoire de Jésus et son enseignement, c'est à dire l'histoire de Dieu, pour les trinitaires.
Olivier
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